L’explosion de la première bombe atomique (aujourd’hui, on dit « nucléaire », mais c’est la même chose) eut lieu le 16 juillet 1945, à Alamogordo. C’était un engin formé d’une masse de plutonium dans laquelle, au moment voulu, grâce à un système ingénieux, une réaction en chaîne de fissions nucléaires libérait une énergie véritablement effroyable. C’était le résultat du projet Manhattan, dont nous savons déjà qu’il eut, pour premier résultat, la divergence de la pile de Fermi, en 1942.
Invention de la bombe nucléaire
Alors, d’innombrables commentateurs vont déclencher leurs « réflexions », en se lamentant du fait que l’homme est plus à même d’inventer des engins de mort que des systèmes de vie. Animés plus par les penchants du coeur que par les enseignements de la raison, ils vont dénoncer, dans la confusion la plus totale, « le nucléaire », le « complexe militaro-industriel » et, bien sûr, les méchants Américains. C’est oublier l’histoire — ce n’est tout de même pas de la faute des Américains s’il y eut les projets insensés de Hitler et de Hiro-Hito ! C’est oublier les données les plus fondamentales de la psychologie : il y a de l’agressivité en l’homme.
Le philosophe est plus impressionné par la capacité de l’esprit humain de réaliser des choses aussi complexes qu’une réaction en chaîne de fissions que par la banale constatation des instincts destructeurs des hommes et des politiciens qui les mènent. N’importe quel animal peut détruire, c’est même son moyen de vivre. Seul l’animal humain peut construire — ne serait-ce que des engins de destruction ! Je ne vais donc pas me joindre au troupeau vociférateur des anti-nucléaires. Bien sûr, il est dommage que l’on ait dû anéantir deux villes japonaises pour faire cesser la Seconde Guerre mondiale. Mais c’est aux généraux fanatisés du Japon impérial qu’il faut s’en prendre.
La bombe nucléaire dans l’histoire
Bref, rappelons quelques événements intéressants.
Le 24 avril 1939, Paul Harteck expose au RKM (Reichskriegsministerium) les applications militaires possibles des réactions en chaînes dans une masse d’uranium. Ce qui conduira, le ter septembre 1939, à la fondation du projet Uranverein, avec la collaboration de Hans D. Jensen. En juillet 1941, le programme atomique japonais est lancé, sous la direction de Yoshio Nishina. En juin 1942, Robert Oppenheimer est nommé directeur du projet Manhattan, mis sur pied pour construire une bombe « atomique».
Il est important de savoir que les Américains (c’est-à-dire les – Américains et les Anglais) n’étaient pas les seuls à vouloir utiliser militairement l’énergie nucléaire.
En novembre 1942, le centre de recherches pour la mise au point de la bombe atomique est installé à Los Alamos, dans le cadre du projet Manhattan.
Du 17 août 1943 au 24 août se tient, à Québec, la conférence Quadrant, où se rencontrent Franklin Roosevelt et Winston Churchill. Un accord secret est conclu entre les deux chefs d’État pour la mise en commun des connaissances GB et US, en vue de la construction d’armes atomiques. En outre, Churchill et Roosevelt conviennent que les recherches atomiques anglaises et canadiennes seront centralisées aux États-Unis.
Il faudrait insister sur l’énorme effort intellectuel qui sera nécessaire.
Il faut déterminer tous les paramètres qu’il faut contrôler pour réaliser une réaction en chaîne de fissions. Cela nécessite la mesure, très délicate, des « sections efficaces » de toutes les substances qui interviendront dans la constitution de la bombe, c’est-à-dire des caractéristiques d’interaction entre ces substances et les neutrons. Cela nécessite des calculs très complexes de la « masse critique », c’est-à-dire de la quantité d’uranium (ou de plutonium) qu’il faut rassembler pour que la réaction en chaîne soit possible.
Il faut mettre au point des installations pour séparer l’uranium-235 de l’uranium-238, et pour séparer le plutonium de l’uranium. Il faut… résoudre d’innombrables questions techniques. Des milliers d’ingénieurs, de physiciens, de chimistes répondront à toutes ces questions, une à une, et dans le plus grand secret.
Bombe nucléaire: projet Manhattan
Le projet Manhattan sera l’expérience de physique la plus gigantesque de tous les temps. Il aboutira.
Le 6 août 1945, une bombe à l’uranium est lâchée sur Hiroshima. On l’appelle « Little Boy». Le 9 août, une bombe au plutonium est lâchée sur Nagasaki. On l’appelle « Fat Man ». À elles deux, ces bombes ont fait moins de victimes que, par exemple, le tremblement de terre, à Tokyo, le ler septembre 1923, qui fit plus de 150 000 morts.
La Seconde Guerre mondiale s’achève.
On ne lancera plus de bombes atomiques sur des villes habitées, du moins jusqu’aujourd’hui. Mais on développera l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.